Entrevue avec Santina Conte, étudiante en médecine à l’Université McGill et candidate au MDCM
Santina Conte est une étudiante en médecine de troisième année à l’Université McGill. Elle est également étudiante-chercheuse en dermatologie et travaille aux côtés d’une équipe de dermatologues traitants et de résidents. Leur récent projet s’intitule « Population-Based Study Detailing Cutaneous Melanoma Incidence and Mortality Trends in Canada ». Cette étude, publiée en mars 2022 dans Frontiers in Medicine, présente l’évolution des tendances en matière d’incidence et de mortalité dans les provinces et les territoires de 2011 à 2017, et les compare aux résultats précédents pour la période de 1992 à 2010.
Q 1: Quelle est la source d’inspiration de votre travail de sensibilisation et de recherche sur le mélanome ?
Lors d’un récent appel avec Santina, elle a parlé avec passion de la promotion de la sécurité au soleil et des pratiques de détection précoce afin de réduire les taux d’incidence et de mortalité du mélanome. Elle a souligné que l’exposition aux rayons ultraviolets, qu’elle soit naturelle ou artificielle, est le principal facteur de risque de développement du cancer de la peau. Cependant, malgré les connaissances approfondies sur l’impact causal du rayonnement UV, de nombreuses personnes négligent encore de se protéger du soleil et de l’éviter, ce qui contribue à l’augmentation alarmante des taux d’incidence du mélanome au Canada. Mme Conte a souligné que, contrairement aux autres cancers, le mélanome est souvent visible à la surface de la peau et que nous avons donc l’occasion unique d’être proactifs et de vérifier notre peau avant qu’il ne soit trop tard.
Q 2: Pourquoi les taux d’incidence augmentent-ils dans tout le Canada ? À votre avis, quels sont les obstacles les plus courants à la protection contre le soleil et aux pratiques de sécurité au soleil ?
Santina a expliqué que lorsqu’il s’agit de comportements préventifs contre le mélanome, il existe une importante barrière psychosociale qui doit être prise en compte. Cette barrière psychosociale désigne les attitudes en matière de bronzage, les connaissances sur le cancer de la peau et la perception de l’efficacité des comportements de protection contre le soleil. Par exemple, dans la société actuelle, on assiste à la popularisation de l’exposition aux rayons UV de source artificielle par le biais du bronzage. On observe un lien présumé entre la peau bronzée et la beauté, qui est particulièrement répandu chez les adolescents et les jeunes adultes. La promotion d’un tel lien perçu comme positif entre bronzage et beauté a largement contribué à l’augmentation des taux d’incidence. En outre, les idées fausses sur le cancer de la peau et les comportements préventifs qui y sont associés sont encore répandues. Cela conduit à une mise en œuvre incohérente des comportements préventifs. Cela peut inclure le fait de ne pas savoir quand mettre de la crème solaire et à quelle fréquence l’appliquer. Santina a expliqué que la solution pour réduire les taux d’incidence du mélanome consiste à se pencher sur ces obstacles apparents et les facteurs déterminants de la sécurité au soleil et à promouvoir les connaissances ainsi que la sensibilisation par le biais de campagnes de santé publique.
Q 3: Quels sont les points à retenir de votre étude que vous aimeriez faire connaître aux autres ?
Cette étude basée sur la population a extrait les tendances démographiques sur une période de sept ans en soulignant les hausses alarmantes des taux d’incidence du mélanome cutané (MC) au Canada. Parmi les différentes provinces et territoires, des taux d’incidence et de mortalité du mélanome cutané plus élevés ont été signalés en Nouvelle-Écosse, à l’Île-du-Prince-Édouard, dans le sud de l’Ontario et de la Colombie-Britannique ainsi que dans certaines communautés côtières du Nouveau-Brunswick.
Au niveau national, le taux de mélanome cutané (MC) connaît une hausse annuelle de 0,59 cas pour 100 000 individus. Cette étude souligne également que l’incidence du MC au sein des populations à haut risque dépend surtout du climat/de la géographie et du comportement humain, comme l’adhésion aux pratiques de protection contre le soleil.
Cette étude permet de mieux connaître les populations à haut risque, les facteurs de risque contribuant à l’incidence du mélanome et les obstacles aux pratiques de protection contre le soleil. Il s’agit d’une étape importante pour aider les populations à haut risque d’être atteintes de CM grâce à des efforts en matière d’éducation et de sensibilisation du public.
Q 4: Pouvez-vous nous faire part de certaines des principales différences dans les taux d’incidence du mélanome cutané en fonction du sexe/genre ?
Santina a noté que le fardeau du mélanome est plus élevé chez les hommes. Plus précisément, 54,2% des cas de mélanome cutané ont été observés chez les hommes alors que seulement 45,8% ont été observés chez les femmes (2011-2017). Cette tendance est conforme à celles observées entre 1992-2010. Santina a évoqué plusieurs raisons expliquant la hausse des taux d’incidence du mélanome et des diagnostics plus tardifs chez les hommes. Les hommes sont moins susceptibles que les femmes à adopter des comportements de protection contre le soleil de manière assidue, comme le port de crème solaire ou de vêtements de protection contre le soleil. Cela est dû à une moindre sensibilisation au cancer de la peau et au lien présumé entre leur adhésion à de telles pratiques et la féminité. Cela conduit malheureusement à une plus grande exposition aux rayons UV et au risque de développer un cancer de la peau.
Santina a également mentionné des différences clés dans les zones touchées par le mélanome entre les deux sexes. Par exemple, le mélanome lentigineux des extrémités, qui est connu pour affecter les extrémités (c’est-à-dire les mains et les pieds), est plus courant chez les femmes que chez les hommes. Cependant, la majorité des cas de MC chez les hommes touche la tête, le cou et le tronc. Le fait de connaître ces sites anatomiques à haut risque peut être utile dans les pratiques futures de détection précoce.
Q 5: Quel est votre message au grand public et quels changements conseilleriez-vous à d’autres personnes afin d’inverser les tendances actuelles en matière de mélanome ?
Santina a souligné que l’un des plus grands obstacles à la prévention du mélanome est peut-être notre perception des normes et des attitudes. Malgré une connaissance approfondie de l’effet néfaste de l’exposition aux rayons UV sur le développement du cancer de la peau, de nombreuses personnes continuent à se faire bronzer et à négliger les pratiques de protection contre le soleil. Avec la hausse des taux d’incidence du mélanome, il est plus important que jamais d’aborder et de remettre en question ces normes perçues et de s’informer sur les principaux facteurs de risque des cancers de la peau liés au mélanome. Il est important de faire passer le message qu’aucun bronzage n’est un bronzage sain et de promouvoir le lien entre une peau saine et la beauté.
Depuis 2013, on observe une baisse des taux de mortalité due au mélanome grâce aux progrès des traitements ciblés et d’immunothérapie efficaces. Cependant, de nombreuses personnes reçoivent encore un diagnostic à des stades plus avancés du mélanome en raison du fait que ces personnes s’abstiennent de recourir à des pratiques de détection précoce. Outre l’utilisation quotidienne d’un écran solaire et la mise en place d’autres pratiques de sécurité au soleil, il est essentiel que vous examiniez votre peau au moins une fois par mois.
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Pour inverser les tendances actuelles en matière de mélanome, vous devez être prêt à avoir des conversations sur les mesures de prévention du mélanome avec vos amis et votre famille. Vous pouvez également aider à effectuer des contrôles de la peau auprès des membres de votre famille et les encourager à se rendre régulièrement chez leur médecin pour des examens médicaux de routine. Dès aujourd’hui, apprenez-en davantage sur la manière de contribuer à la prévention du cancer de la peau pour vous-même et votre entourage et faites de la protection contre le soleil une habitude quotidienne.